[Colombia] L’ombre de La Colosa sur Cajamarca, Tolima

No a la ColosaLes mégamines, nouvel Eldorado mythique

Pays à vendre, à prix cassé. Voilà le slogan convenant le mieux aux gouvernements successifs d’Uribe Vélez et maintenant de Juan Manuel Santos. Leur politique minière n’est rien d’autre que la vieille politique coloniale du troc d’or contre de la verroterie

Le cas de La Colosa, en Cajamarca, est l’un des plus emblématiques de l’actuel modèle minier extractiviste qu’on cherche à imposer en Colombie au bénéfice du grand Capital. Avec ce projet, on est en train de militariser et d’écraser la population paysanne, tout en renvoyant dans les limbes la souveraineté alimentaire du peuple colombien afin qu’une multinationale récupère le terrain et contamine les cours d’eau avec du cyanure. Ce projet est paradigmatique du caractère insoutenable du modèle de développement dépendant et atrophié en vigueur en Colombie.

Secteur mégaminier, le rouleau compresseur en roue libre

Depuis 2006, le gouvernement colombien poursuit le développement d’une politique agressive dans laquelle l’industrie minière est définie comme un pilier du « développement » national : statut qui reste d’actualité dans le Plan de Développement National du gouvernement Santos [1]. L’investissement étranger dans l’exploitation des mines et des carrières a augmenté de façon exponentielle, passant de 466 millions de $US en 2002 à 1 789 millions de $US en 2008 et 3 094 $US en 2009 [2]. Si en 2001, il existait 1 889 titres miniers en Colombie, en 2010, on était passé à 8 928 de titres qui englobaient 4 839 149 hectares de terre. 40% du territoire national sont de fait actuellement cédés ou réclamés pour l’exploitation minière [3].

Ce processus a lieu dans un contexte de renforcement d’un modèle économique néo-extractiviste en Amérique Latine grâce aux prix record atteints par des minerais comme le charbon, l’or ou le pétrole au cours de la dernière décennie. Tandis que le gouvernement affirme que l’exploitation des ressources énergétiques et minières apportera bien-être et prospérité à toute la population, dans la pratique, des cas comme celui de Cerro Matoso ou d’El Cerrejón, comme tant d’autres, mettent en évidence que ce type d’exploitation, réalisée avec toute sorte d’appâts et de bénéfices pour les multinationales, n’enrichit qu’une infime élite nationale et étrangère. Les communautés locales sont exclues des bénéfices et doivent payer les coûts sociaux et environnementaux de ces exploitations –récemment, la multinationale Drummond a balancé 500 tonnes de charbon à la mer, ce qui a causé indignation et perplexité d’autant que l’Agence Nationale des Licences Environnementales a levé la sanction.

Autre exemple : celui de Puerto Gaitán, dans le Meta, municipalité qui a reçu le plus de royalties au titre de l’exploitation pétrolière. Cependant, les enfants y meurent de faim, (13 rien qu’au cours du premier semestre 2011) et l’on enregistre un des taux de mortalité infantile les plus hauts du pays, avec 61 enfants pour 1000, trois fois plus que la moyenne nationale. De son côté, la population manque des services de base comme l’accès sûr et stable à l’eau potable ou à l’électricité, et les chemins que l’on a construits ne sont là que pour permettre la sortie de l’ « or noir » [4]. Il se produit à peu près la même chose avec le Cerrejón dans la Guajira : malgré les immenses richesses produites par plus de deux décennies d’exploitation du charbon, la population locale continue de connaître des niveaux d’analphabétisme, de malnutrition, d’inégalité et de manque de ressources de base bien supérieurs à la moyenne nationale.[5]

Voilà les éléments qui permettent de comprendre le pourquoi de la résistance populaire croissante face aux mégaprojets miniers qui s’étendent petit à petit sur tout le territoire national.

Un nouveau mythe d’Eldorado

De toutes les zones d’activités minières, ce sont celles de l’or sont le plus actives, avec beaucoup de dynamisme, mais elles représentent un des plus grands dangers pour la biodiversité, le développement durable et la vocation agricole du pays. Il existe actuellement environ 89 projets de mégamines aurifères en Colombie, la majorité d’entre eux en phase de prospection ; on estime qu’il y a au moins 2015 tonnes d’or dans le pays (60 millions d’onces). L’Antioquia remporte « la médaille d’or » en concentrant 47 de ces projets [6]. Des communes comme Remedios, Caucasia ou Ségovia, ont vu augmenter de manière assez préoccupante la violence, associée à l’avance des paramilitaires qui agissent en coordination avec l’armée, en harcelant les orpailleurs artisanaux dans la dispute pour le métal précieux (on estime à 40 382 le nombre des orpailleurs artisanaux qui travaillent l’or). [7]

Aujourd’hui, on produit 40 tonnes annuellement et le projet gouvernemental est d’intensifier la production pour atteindre les 80 tonnes vers 2019 [8]. La bagarre n’est pas pour le seul contrôle de la production d’or, mais aussi pour le contrôle des titres miniers. D’après l’analyste Mario Valencia, « le business, c’est évidemment l’extraction de l’or mais aussi la vente des actions des entreprises qui ont les titres miniers. C’est presque la même chose avoir l’or en lingots dans les banques que dans la montagne » [9].

Les entreprises principales qui possèdent des titres d’exploitation aurifère sont l’AngloGold Ashanti ( au moins 410 titres- 391 directs, 19 par le biais d’Explorations Choco Colombia S.A.S., contrôlant au moins une superficie de 821 087 hectares) et la Continental Gold (au moins 135 titres, pour une surface de 111 000 hectares) ; il convient de souligner que ces chiffres sont des estimations, car ces entreprises opèrent sous des noms, filiales, raisons sociales différents etc…Toutes deux sont associées dans l’exploitation de La Colosa, dans la commune de Cajamarca, Tolima, l’AngloGold Ashanti étant majoritaire. Toutes ces concessions sont pour 30 ans, prolongeables de 30 ans supplémentaires [10]. On espère que l’exploitation de La Colosa démarrera en 2019, année où le gouvernement s’est fixé l’objectif de multiplier par deux la production aurifère ; ce seul fait prouve que La Colosa n’est pas un projet de plus, mais une pièce maîtresse dans le projet du bloc dominant.

On calcule que La Colosa produirait environ 24 millions d’onces d’or; le coût environnemental de cette exploitation peut se calculer en tenant compte de la nécessité de remuer plus de 100 tonnes de roche pour produire à peine une once d’or… La Colosa, selon différentes estimations, produirait, en plus, 100 000 tonnes de résidus miniers par jour, plus de 8 tonnes de cyanure, 500 tonnes de dioxyde de carbone, et utiliserait 70 millions de litres d’eau… tout cela pour produire à peine 50 kilos d’or [11]. Personnellement, je ne sais pas si le prix du marché justifie, ne serait-ce qu’en termes purement économistes, les terribles dégâts environnementaux et sociaux que cela produirait. L’AngloGold occupe aujourd’hui complètement la commune : elle possède 21 titres miniers qui couvrent 60% de la municipalité de Cajamarca (30 440 hectares), suite à quoi les dégâts estimés pour la zone, une fois lancée l’exploitation, seraient irréversibles [12].

Militarisation et secteur minier

La force publique protège le grand investissement privé et les paramilitaires empêchent la protestation sociale et poussent au déplacement
CODHES, Quelle consolidation ?, Février 2011 [13]

Militarisation et secteur minier vont de pair dans le contexte du conflit colombien: ce n’est pas un hasard que là où les activités contre-insurrectionnelles sont en hausse, il y a des intérêts de nature économique. 30% de la force publique (environ 100 000 hommes en uniformes) est mise au service des entreprises énergétiques et minières, pour protéger leurs investissements en infrastructures et leurs cadres et sous-traitants, et faire taire les protestations des communautés, souvent avec l’aide des paramilitaires « en nettoyant » le terrain. Les soldats se chargent aussi d’éradiquer toute forme de « concurrence » pour les entreprises méga-minières transnationales. En application d’une politique strictement au service du grand capital, toute forme de production paysanne ou artisanale, y compris l’activité minière artisanale, a été déclarée illégale, par les médias et les fonctionnaires publics. Pour bien faire savoir que la loi colombienne est aux côtés du capitaliste, de préférence s’il est étranger, on a approuvé des décrets pour combattre les mineurs artisanaux et ils sont fréquemment dénoncés dans les médias comme étant ceux qui financent l’insurrection pour « justifier » ainsi les attaques qu’ils subissent à l’enseigne de la contre-insurrection. De cette façon, l’Etat met en cause la subsistance de plus de 300 000 familles (cinq millions de personnes) qui dépendent du secteur minier artisanal, pour mieux servir les entreprises minières multinationales [14].

Dans ce cadre de militarisation croissante, 573 mines dites “illégales” ont fait l’objet d’interventions [15]. Cette militarisation et la présence importante de groupes paramilitaires sous l’aile de l’armée pour qu’ils fassent le sale boulot, aboutit à de violents accrochages et violations contre les communautés. Ces dix dernières années, d’après les Brigades de Paix Internationales, 80% des violations des droits humains et 87% des déplacements forcés en Colombie ont eu lieu là où sont développés des mégaprojets d’exploitation minière (il existe 42 districts miniers composés de 328 communes), ainsi, 78% des attentats contre des syndicalistes ont été perpétrés contre ceux qui travaillent dans le secteur minier et énergétique[16].

Dans la zone d’Anaime, en Cajamarca, depuis l’arrivée de l’AngloGold la militarisation de la vie de la communauté a considérablement augmenté, touchant le tissu social. Un dirigeant communautaire de la région, Yesid Muñoz, du Comité Environnemental et Paysan de Cajamarca, nous parle de l’atmosphère de militarisation vécue à Anaime :

« L’AngloGold fait travailler beaucoup de paysans. Le peu de jeunes qui restent à la campagne est poursuivi par l’armée le dimanche et recruté de force. Je demande au gouvernement colombien où est la différence entre la guérilla qu’il critique parce qu’elle recrute des garçons de 16 ans alors qu’eux les poursuivent comme des fous pour les recruter(…) La militarisation ici vous la voyez le long de la route panaméricaine, dans les carrefours. Au bord de ces chemins vous voyez des maisons misérables surpeuplées. C’est quoi que l’armée surveille ? Ici, il n’y a pas de gros riches ni de gros propriétaires, ce qu’ils cherchent, c’est à intimider le paysan, le peuple ».

Quand les gens de la communauté se sont prononcés contre l’AngloGold, la stigmatisation a commencé : toute forme d’opposition est assimilée à des expressions civiles d’insurrection et pour cette raison reçoit une réponse militaire. Le 22 février, on a célébré une « Table Citoyenne Environnementale » à Ibagué ( là où le rejet du projet par la communauté a été très net) et les journaux ont capté les échanges de messages entre le vice-président chargé de la « soutenabilité » [sic] de l’AngloGold, Rafael Hertz et le chargé de communications de La Colosa, Ivan Malaver, dans lesquels l’un disait « On a identifié dans le public des opposants plusieurs guérilléros d’Anaime », ce à quoi l’autre a répondu « bien reçu » [17]. Devant ces accusations, Yesid Muñoz hausse tout simplement les épaules. « Moi, on me considère comme un révolutionnaire, mais ce n’est pas un péché, Jésus-Christ a été un révolutionnaire, et je veux la révolution que Jésus-Christ nous a enseignée ». Une dirigeante d’une Junte d’action communale (JAC) de la région, nous expliquait en novembre, sur la base de son expérience directe, ce rapport entre l’armée et la multinationale :

Je comprends que l’armée travaille avec l’AngloGold, qui paye pour être protégée et c’est comme ça qu’ils ont commencé la militarisation chez nous. Si on n’est pas d’accord avec l’entreprise, on te colle instantanément l’étiquette de guérillero. Il y a de nombreux cas d’abus de pouvoir, ils te surveillent et dès qu’il y en a qui moucharde que t’as été contre l’AngloGold, alors ils commencent à te pourrir la vie. Mais il faut qu’on regarde vers le futur et on est prêts à tout à condition que le projet n’aboutisse pas parce qu’il va beaucoup nous toucher ainsi que les générations futures« 

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Carlos Gámez, de l’Union Paysanne de Los Alpes, Tolima (UCAT) explique le tournant orwellien de la militarisation en Cajamarca : « L’armée a un bataillon à elle là-bas, pour barrer la route aux communautés pour qu’elles ne passent plus par les chemins qu’elles empruntaient avant. Ils sont en train d’imposer un contrôle très dur sur les personnes, ils installent des caméras partout, comme ça si tu parles, tout est enregistré ». Fernando Pérez Sánchez, coordinateur d’OSADA (Organisations Sociales du Cañón d’Anaime) confirme ces mêmes affirmations : « L’armée a mis un bataillon à leur service et nous autres dirigeants sommes surveillés étroitement, on nous a tous filmés ».

Même si maintenant les cadres de l’AngloGold se la jouent “ce n’était pas moiˮ, prétendant qu’ils n’ont jamais traité personne de guérillero, en novembre, des rumeurs couraient parmi les paysans de la communauté que des cadres de l’entreprise disaient que l’armée ouvrirait le chemin à l’AngloGold Ashanti, en coursant « ces “guérillerosˮ et “révoltésˮ d’Anaime. Il n’y a pas de fumée sans feu.

L’or ne se mange pas

A mon arrivée à Anaime, un paysan m’expliquait que le Tolima était comme le paradis, et que Cajamarca était le jardin d’Éden. Ce n’est pas pour rien que Cajamarca a été surnommée le garde-manger de la Colombie. Les versants des collines de cette région regorgent de verdure, presque tout ce que l’on peut planter pousse, café, bananes, arracacha (pomme de terre- céleri). Cajamarca, sans aller plus loin, fournit 10% de la nourriture consommée à Bogota [18], c’est pourquoi changer la vocation de productrice d’aliments de cette région pour la réorienter vers l’exploitation aurifère aurait des conséquences de nature potentiellement catastrophiques.

Les paysans disent qu’on ressent déjà les effets désastreux des mégamines sur la production alimentaire. La même dirigeante paysanne de la JAC fait remarquer :

« L’AngloGold offre aux paysans des salaires allant jusqu’à 800 000 pesos (=340 €) mensuels, ce qui les a amenés à cesser de travailler la terre. Pourtant la plus grosse partie de cet argent est un mirage, parce qu’ils le dépensent en transports et repas. Il faut voir plus loin que l’argent qu’on leur verse pour un mois, parce qu’on touche à notre eau, ils nous volent l’eau et cela commence à affecter l’environnement. Et même si on ne voit peut-être pas encore toutes les conséquences, tôt ou tard, nous devrons bien les voir ».

Carlos Gámez, de l’ UCAT explique:

On nous pollue l’eau, cela va toucher les terres de culture…cela entraîne des déplacements… ils achètent peu à peu des terres et en retirent les paysans qui produisent des aliments pour le pays. Ils créent de l’inimitié et des conflits entre voisins, ils exercent des pressions sur les gens qui sont en désaccord sur la manière d’essayer de faire changer la façon de penser des gens qui encadrent des processus et informent les paysans par ici. Ils font courir le bruit que ce sont des menteurs, que le projet est ce qui peut arriver de mieux à Cajamarca ».

Fernando Pérez Sánchez, d’OSADA corrobore l’impact de l’AngloGold non seulement sur la production alimentaire elle-même mais aussi sur le tissu social des communautés paysannes qui, en dernier ressort , est ce qui soutient ce mode de production : « le projet est en train de toucher les communautés paysannes en les leurrant et en les divisant. Dans le domaine économique, ils font croire aux gens que l’agriculture ne rapporte rien et le secteur minier est la meilleure option ».

Le mécontentement des paysans de la zone face à la multinationale est une partie du malaise qui frappe toute la campagne colombienne et qui ces dernières semaines s’’est exprimé dans des protestations massives des producteurs de café et de cacao. C’est le résultat de la ruine à la laquelle le paysan a été conduit par l’ouverture néolibérale et les traités de libre-échange, ainsi que la politique séculaire de spoliation à l’encontre des paysans. Yesid Muñoz nous fait remarquer, faisant écho à la ré-articulation croissante du mouvement paysan et de ses revendications, que :

« AngloGold Ashanti ne peut nous tromper avec sa propagande qui nous incite à rendre la campagne productive et compétitive, alors que ce qui les intéresse, c’est de faire partir les paysans de la zone. Chaque jour la télé nous trompe en montrant des choses fictives mais ici, vous voyez la réalité. Le gouvernement traite très mal le monde rural, il ne s’intéresse pas au paysan, et après ils s’associent à ces entreprises multinationales en disant que c’est pour créer des emplois, mais ils leur donnent tout à elles, tous les moyens qu’ils refusent aux paysans de Colombie. Voyez, le gouvernement a fait toutes ces routes pour l’AngloGold alors que nous, on les réclamait depuis cent ans. Avec une campagne aussi productive que la nôtre, ce que nous voulons, c’est de l’aide pour produire ».

Le rouleau compresseur qui essaye d’avancer sur un peuple qui ne se laisse pas asservir

L’environnement de La Colosa est un microcosme dans lequel se reproduisent toutes les contradictions du Plan actuel de (Sous) développement National impulsé par le gouvernement de Santos (qui n’ est que l’élaboration de la proposition uribiste de pays, et non de son rejet) : la contradiction entre Capital rentier et Capital productif, entre communautés et Capital multinational, entre la vocation de production alimentaire et l’illusion extractiviste, entre le développement social durable et le développement macroéconomique , entre le paysan et le technocrate-militaire-capitaliste, entre les mêmes communautés dépassées par l’avancée irrésistible de l’investissement direct étranger, entre l’intégration économique ou développement enclavé, entre la vie et la mort. Le rouleau compresseur minier, par le biais de l’AngloGold Ashanti, a accéléré tout simplement le rythme de spoliation auquel sont soumises les communautés paysannes depuis des temps immémoriaux, s’ajoutant à d’autres phénomènes qui touchent la paysannerie comme l’ouverture néolibérale et la présence des narco-paramilitaires, qui est toujours d’actualité comme le dit un paysan : « Ici les narcotrafiquants font monter les prix de la terre car ils passent leur temps à blanchir de l’argent en achetant et en revendant. Ce problème n’est pas près de s’arrêter parce que le gouvernement les laisse faire ». Sur ce territoire, l’histoire des contradictions de la Colombie s’exprime de tout son poids. Le cas de La Colosa est paradigmatique d’un modèle qui pour la plus part des gens génère pauvreté et famine, au milieu de la richesse et de l’abondance d’une poignée de personnes.

Il est également important, sur ce point, de souligner que le village de Cajamarca et les communautés rurales de sa municipalité ne sont pas des « victimes » désarmées qui se croisent les bras face à la fatalité, pour implorer des tiers afin qu’ils fassent justice pour eux. Nous avons affaire à un peuple qui a été opprimé, réprimé, violenté, victimisé, mais qui garde toute sa dignité. Un peuple courageux qui se bat et se refuse à devenir passif, qui réclame ses droits à être acteur du changement. Un peuple qui tisse la solidarité, qui noue des liens, qui travaille, rêve et crée.

Le dynamisme de la lutte pour la défense de la vie et contre La Colosa est fort, comme nous l’explique une camarade qui participe au Comité Environnemental et Paysan de Cajamarca.

« Quatre marches carnavals ont eu lieu à Ibagué, réunissant 30.000 personnes contre le projet de La Colosa et pour la défense de l’eau. Il y a eu également des séminaires et des veilles à Anaime, 2 rencontres d’ECOVIDA, qui ont permis à la population de s’informer de source sûre sur le projet, en effet l’entreprise qui changeait de nom au fil des années depuis plusieurs années différents noms n’avait jamais donné d’informations. Le 1er août de l’an passé une mobilisation nationale contre le rouleau compresseur énergético-minier a eu lieu et 1000 personnes se sont mobilisées à Cajamarca, ce qui est très significatif. On note aussi l’action populaire d’Usicoello, organisation qui regroupe les usagers paysans du Rio Coello, contre le projet minier… de cette rivière dépendent environ 800.000 personnes, donc l’impact de La Colosa est impressionnant. Le 22 février, les autorités municipales de Piedras, de l’ONIC, du CRIC, de l’Université de Tolima, de Fedearroz, des comités environnementaux, se sont mis d’accord et ont écouté un compte-rendu sur les préoccupations de la Contraloria (services du Contrôleur général de République) à propos des impacts environnementaux de ce mégaprojet… ce jour-là, le projet a été rejeté en bloc, et devant la quantité d’indicateurs de risques et la pression populaire, le gouverneur en personne a été obligé de prendre position contre le projet. Cette manifestation du 22 février a été très importante. Hier, 7 mars à l’Université Coopérative d’Ibagué, on comptait plus de 500 leaders communaux et sociaux, enseignants, environnementalistes et à l’unanimité La Colosa a été rejetée ».

Cette activité va de pair avec une importante tâche d’organisation qui renforce le tissu social de ces communautés, appuyée par des formes organisationnelles déjà présentes dans la zone, sous la forme de JAC, d’organisations syndicales et paysannes, de groupes de jeunes, de groupes environnementalistes etc. :

« Les paysans se sont organisés en comités environnementaux, comme le Comité Environnemental et paysan de Cajamarca qui regroupe 17 formes d’organisations territoriales, des leaders de Juntes d’action communale, des paysans, des environnementalistes… Nous sommes pour la défense de l’eau, de la souveraineté alimentaire et territoriale, ce n’est pas que nous ne voulions pas du progrès pour la région… il y a également le Comité environnemental pour la défense de la vie qui fonctionne à Ibagué, et le Comité environnemental du Sud de Tolima. Un autre Comité pour la défense de la rivière Opia, à Piedras, et là avec le soutien du maire et du conseil. On trouve aussi le Comité pour la défense de la rivière Lagunillas à El Libano. Dans toutes les municipalités, se développent des comités et des collectifs qui ont pris conscience que la lutte pour les prochaines années sera pour l’utilisation des terres, lutte sociale et environnementale, lutte d’autant plus si c’est une multinationale qui l’exploite en nous exploitant en même temps. Il est important de signaler qu’il existe aussi à Bogota un Comité Environnemental de Soutien à Tolima ».

Interrogée sur le potentiel que constitue la lutte d’Anaime dans le contexte actuel d’essor des luttes populaires en Colombie, la camarade poursuit :

« la région qui réunit Cundinamarca, Meta, Boyacá, Tolima, les frontières avec les régions de plaines et Quintio, les sorties vers le sud du pays, c’est central… disons que Tolima est l’épicentre du conflit social et territorial que connaît le pays : nous avons le plus grand projet minier de tout le continent, le problème des sept centrales hydroélectriques à Tolima, de l’infrastructure et des routes pour le TLE, la navigabilité du Magdalena, il y a plus de 5 bataillons de tout type dans la zone et la base militaire de Palenquero, de Puerto Salgar en accord avec les USA et toute l’aire de consolidation du sud de Tolima. Il y a une réorganisation du pays et cette zone centrale est la plateforme logistique, financière et de contrôle du conflit social parce que c’est ici que se trouve également le centre urbain du pays. Tolima prend une importance politique qu’elle a déjà eue à d’autres moments, notamment pendant la guerre des Mille jours (1899-1902) et la période de la Violence (1946-1966). Elle a aujourd’hui un rôle central au niveau financier et en termes de luttes sociales ».

Le Tolima est au cœur de la Colombie, dans une zone d’importance géostratégique, de par ses ressources minières et hydriques, d’une grande fertilité. Le département commence’ à être le théâtre de grandes mobilisations, des planteurs de café et des paysans, et d’opposition aux méga-projets miniers, extractifs et hydro-électriques. Le gouvernement connaît l’importance stratégique de cette région et pour cela il a transformé ce territoire en un important théâtre de la soi-disant « consolidation militaire ». Il ne tient pas compte cependant dans ses calculs de la force d’un peuple qui n’est disposé ni à se laisser écraser sous la botte des militaires ni à se faire aplatir par le rouleau compresseur minier. Ce qu’ils sont en train de démontrer dans la réalité par leur résistance.

José Antonio Gutiérrez D. (08-03-2013)Traduit par Pascale Cognet sur http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=9494

[1] http://www.polodemocratico.net/index.php?option=com_con…d=240
[2] Agua o Minería, un debate nacional, Tatiana Rodríguez y Danilo Urrea, CENSAT Agua Viva, 2011, p.4
[3] Colombia, Boletín Informativo No.18 de PBI Colombia, Noviembre de 2011, pp.4-5.
[4] http://www.semana.com/nacion/articulo/fisica-hambre/246…880-3
[5] http://www.dinero.com/actualidad/economia/articulo/el-m…69278
[6] Ahumada, Omar, El ‘boom’ apenas empieza en el país, El Tiempo (Suplemento ‘debes leer’), p.2, 2 de Diciembre, 2012
[7] http://www.prensarural.org/spip/spip.php?article6486 ; sobre los antecedentes de la violencia en el Nordeste Antioqueño ligada a la disputa por la riqueza aurífera, ver http://www.periferiaprensa.org/index.php/edicion-actual…queno
[8] http://www.portafolio.co/Especiales/Balance-gobierno-20…144-3
[9] Los Dueños del Oro, El Tiempo (Suplemento ‘debes leer’), p.3, 2 de Diciembre, 2012
[10] Ibid, Algunas mineras están negociando algunas de las 52 reales cédulas, para que no quede duda del tufillo colonial de la actual política de minas, las cuales serían explotables a perpetuidad.
[11] Ibid, p.4. Los campesinos de la región, sospechan que no sólo hay oro en La Colosa y que eso determina otra clase de intereses. Nos decía un campesino que “se sabe de buena fuente que ahí también hay uranio, que se lo llevan con escoltas para el aeropuerto”.
[12] Agua o Minería, p.8
[13] http://www.codhes.org/images/stories/pdf/bolet%C3%ADn%2…7.pdf
[14] http://www.eltiempo.com/politica/ARTICULO-WEB-NEW_NOTA_….html
[15] Agua o Minería, p.6.
[16] Colombia, p.3-6.
[17] http://www.elnuevodia.com.co/nuevodia/tolima/regional/1…s_3=2 ; http://www.elespectador.com/noticias/nacional/articulo-…ogold
[18] Agua o Minería, p.8